La glande thyroïde est la plus grande glande endocrine du corps humain. Elle se situe à l’avant de la trachée. Son poids est d’environ 20 grammes et elle est composée de 2 lobes (droit et gauche), qui sont reliés entre eux par l’isthme. Parfois, chez certaines personnes, il existe également un troisième lobe, le lobe pyramidal. Son nom provient de sa forme qui ressemble à un bouclier (en langue grecque, thyreos = bouclier).
Elle est en contact avec la trachée et le cartilage cricoïde du larynx et se trouve à proximité de structures vitales telles que les nerfs laryngés récurrents (qui innervent les cordes vocales et participent à la phonation), les nerfs laryngés supérieurs, le tronc sympathique cervical et les glandes parathyroïdes qui participent à l’homéostasie du calcium (maintien d’un taux constant de calcium dans le sang). Ces éléments doivent être identifiés et protégés lors de la thyroïdectomie (ablation de tout ou partie de la thyroïde).
La glande thyroïde est vascularisée par les artères thyroïdiennes, supérieure et inférieure, et les veines thyroïdiennes (supérieure, moyenne et inférieure) qui forment un réseau veineux riche.
La glande thyroïde produit trois hormones : la tétraiodothyronine T4, la triiodothyronine (T3) qui régulent le métabolisme de tous les tissus, et la calcitonine qui réduit les taux de calcium dans le sang. La synthèse et la sécrétion des hormones thyroïdiennes est régulée par la thyréostimuline (TSH) dont la synthèse et la libération est stimulé par l’hormone thyréotrope (THR) produite par l’hypophyse.
Les troubles touchant la glande thyroïde sont nombreux et peuvent se classifier en :
- Troubles du développement
- Troubles à l’origine de l’hyperthyroïdie
- Troubles à l’origine de l’hypothyroïdie
- Thyroïdites
- Cancer de la thyroïde
Un signe clinique important permettant d’identifier un trouble de la thyroïde est l’augmentation du volume de la glande, appelée goitre, décelable par une observation clinique ou par palpation lors de mouvements de déglutition du patient.
Divers symptômes sont liés à l’apparition de l’hypothyroïdie (hypersensibilité au froid, constipation, augmentation du poids et rétention d’eau, bradycardie, fatigue, sudation réduite, crampes musculaire et douleur aux articulations, peau sèche, sensation de démangeaisons, cycle menstruel irrégulier, dépression, etc.) ou de l’hyperthyroïdie (perte de poids soudaine et inexplicable, tachycardie, arythmie ou palpitations, appétit accru, nervosité, angoisse, irritabilité, tremblement des mains, sudation, modification du cycle menstruel, sensibilité accrue à la chaleur, diarrhées, augmentation du volume de la thyroïde, fatigue, faiblesse musculaire, difficultés de la parole, diminution de l’épaisseur de la peau, fragilité des cheveux). La contribution de l’endocrinologue clinique est essentielle dans l’établissement du diagnostic mais aussi dans la planification de la prise en charge. Le médecin spécialisé en radiodiagnostic et échographie, l’oncologue, le pathologiste mais aussi le médecin nucléaire font nécessairement partie de l’équipe de prise en charge des maladies des glandes endocrines et, notamment, de la thyroïde.
Le diagnostic des affections de la thyroïde est aidé par l’échographie, le bilan des hormones thyroïdiennes (T3, T4, TSH), le scintigramme, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonnance magnétique, la cytoponction (biopsie par aspiration à l’aiguille fine – Fine Needle Aspiration Cytology- FNA).
Les troubles de la thyroïde qui nécessitent une prise en charge chirurgicale sont les différentes formes de goitre et le cancer de la thyroïde.
Les goitres :
Les goitres sont classés selon la nature de l’augmentation du volume et l’état fonctionnel de la thyroïde. Ainsi, il existe les goitres non toxiques (simple, multi-nodulaire, à nodule unique) et les goitres toxiques (diffus – maladie de Basedow, multi-nodulaire toxique, à nodule toxique ou adénome).
- Le simple goitre est habituellement dû à une carence en iode (captation inférieure à 100μg/jour). Le traitement est conservateur. L’intervention chirurgicale est indiquée uniquement si l’augmentation du volume de la thyroïde est tellement importante qu’elle cause des effets de pression, pour des raisons d’ordre esthétique, et si l’on soupçonne un cancer.
- Le goitre multi-nodulaire non toxique est caractérisé par la présence de plusieurs nodules dans toute la glande. Parfois, il « plonge » vers le médiastin en provoquant des difficultés de déglutition, de la dyspnée et une stase veineuse. Il s’agit d’une maladie bénigne mais, s’il existe des phénomènes de pression, si l’on soupçonne un cancer ou s’il se pose des questions d’ordre esthétique, il convient de procéder à l’ablation de la glande.
- Le nodule unique de la thyroïde est habituellement bénin (un adénome ou un nodule non fonctionnel) mais il doit toujours faire l’objet d’une exploration plus approfondie pour exclure qu’il s’agit d’un cancer. Au scintigramme de la glande, les nodules sont distingués en « chauds » ou « froids ». Un certain taux de ces derniers indique la malignité. La cytoponction à l’aiguille fine (FNA) contribue également au diagnostic préopératoire.
Le cancer ou carcinome de la thyroïde :
Le cancer de la thyroïde est une maladie dont la fréquence est croissante, ceci est dû aux effets de l’environnement sur le processus de la carcinogenèse (transformation d’une cellule normale en une cellule cancéreuse) mais aussi à l’amélioration des méthodes diagnostiques. Il s’agit du cancer le plus fréquent du système endocrinien et du cancer le plus fréquent chez les femmes (proportions femmes : hommes 2-3 : 1). Il peut apparaître à tout âge mais, surtout, entre 16 et 45 ans.
Les carcinomes (cancer développé à partir d’un tissu épithélial) primitifs de la thyroïde se distinguent en carcinomes différenciés (papillaires, folliculaires, médullaires) et non différenciés (anaplasiques) qui sont plus rares mais dont le pronostic est moins bon.
Le carcinome papillaire est le type le plus fréquent (70%), il se développe le plus lentement et présente l’évolution clinique la plus favorable. Dans ce cas, une thyroïdectomie subtotale ou totale peuvent être envisagées. En cas de métastases dans les ganglions lymphatiques, le curage ganglionnaire central est indiqué. Il s’agit de tumeurs dont le pronostic vital est bon et la mortalité après thyroïdectomie est inférieure à 1%.
Le pronostic du carcinome folliculaire (20%) est en général moins bon que celui du carcinome papillaire, car il peut former des métastases éloignées. Ici, l’intervention de choix est la thyroïdectomie totale.
Le carcinome médullaire (5%) est une forme particulière. En effet, il provient des cellules para-papillaires (cellules C) et produit des hormones spécifiques (calcitonine) et peut apparaître dans le cadre du syndrome de néoplasie endocrinienne multiple (Multiple Endocrine Neoplasia-MEN). La thyroïdectomie totale et le curage ganglionnaire cervical homolatéral sont l’intervention de choix.
Le carcinome indifférencié ou anaplasique (5%) apparaît à des âges plus élevés et son évolution est particulièrement maligne car il se propage rapidement vers les tissus adjacents. La prise en charge combine l’intervention chirurgicale (dont le rôle est limité), la chimiothérapie et la radiothérapie.
En postopératoire, les patients qui présentent une expansion extra-thyroïdienne, une maladie ganglionnaire étendue, un degré élevé de malignité à l’examen histologique ou des métastases éloignées, peuvent bénéficier de l’administration d’iode radioactif et d’un traitement complémentaire. Ils nécessitent alors un suivi régulier.
Enfin, le lymphome de la thyroïde est une néoplasie rare (1%). Il exige un examen histologique (biopsie) et la une prise en charge qui combine une intervention chirurgicale et de la radiothérapie. Si la maladie est avancée, on a recours également à la chimiothérapie et à la radiothérapie.
Thyroïdectomie
La thyroïdectomie totale est l’intervention de choix dans la majorité des maladies chirurgicales de la thyroïde. La thyroïdectomie partielle (lobectomie) occupe dorénavant une place limitée. La thyroïdectomie subtotale, quant à elle, est acceptable dans certains cas. L’importance et l’étendue du curage ganglionnaire font l’objet de débats et chaque cas est à considérer individuellement.
La thyroïdectomie est réalisée par le biais d’une petite incision cervicale transversale d’environ 4 cm. On prépare minutieusement les muscles de la surface antérieure de la gorge, la glande thyroïde est identifiée, la veine thyroïdienne moyenne ainsi que les vaisseaux thyroïdiens supérieurs et inférieurs sont ligaturés. On identifie et préserve les nerfs laryngiens récurrents qui sont responsables de la phonation (pour identifier de manière plus précise et enregistrer l’activité électrique des nerfs, l’on utilise souvent un appareil spécial de stimulation nerveuse particulièrement sensible et précis). On identifie et protège les glandes parathyroïdiennes, pour éviter l’hypocalcémie postopératoire, et l’on préserve le pôle inférieur et supérieur, l’isthme et, à l’aide de manipulations similaires, le lobe controlatéral. Á la fin de l’opération, les muscles sont rapprochés et la peau est refermée par sutures endodermiques ou simples afin d’obtenir le meilleur résultat esthétique possible.
Les complications possibles après une thyroïdectomie sont: hémorragie – hématome, parésie ou paralysie des nerfs laryngés, hypoparathyroïdie – hypocalcémie, crise thyréotoxique (rare). Ces complications sont rares mais, pour les éviter, il est nécessaire que le chirurgien soit particulièrement expérimenté.
Thyroïdectomie mini-invasive vidéo-assistée (Minimally Invasive Video-Αssisted Thyroidectomy-MIVAT)
Les premières interventions endoscopiques de la région cervicale portaient sur des parathyroïdectomies vidéo-assistées, donc, des états bénins (adénomes) de petite taille. Ensuite, avec quelques modifications, la technique s’est étendue à l’exérèse de petits nodules thyroïdiens. La technique appliquée de nos jours n’inclut pas l’insufflation de CO2. L’espace de travail requis est créé par traction extérieure. Cette technique n’est pas indiquée pour tous les patients (seuls 15% d’entre eux remplissent les critères).
Le recours à la thyroïdectomie mini-invasive vidéo-assistée est préconisé dans le cas de maladies bénignes, de carcinome papillaire à faible risque et pour la maladie Basedow. En revanche, cette technique est contre-indiquée dans le cas de maladie récidivante, de carcinome avancé ou métastatique, ainsi que si le cou du patient est insuffisamment long et chez les patients obèses.
Selon cette technique, le patient est couché sur le dos, sans hyperextension du cou, pour faciliter la création de l’espace de travail adéquat. Une incision horizontale d’1,5 cm de longueur, est pratiquée à une distance de 2 cm au-dessous du manubrium sternal. La préparation et l’approche ont lieu, au départ, comme dans la méthode ouverte, jusqu’à l’accès à la glande thyroïde. Ensuite, une caméra endoscopique 30°, de 5 à 7 mm de diamètre, est introduite par l’incision pour entamer la phase endoscopique de la technique. De petits outils endoscopiques de 2mm de diamètre (pinces, ciseaux, etc.) sont utilisés pour préparer les divers éléments anatomiques et réaliser la thyroïdectomie. La durée des interventions est similaire à l’ approche ouverte. En outre, il est possible d’utiliser des dispositifs spéciaux et des scalpels à ultrasons (p.ex. Harmonic scalpel). Le résultat cosmétique est excellent et la douleur postopératoire est réduite au minimum. En cas de maladie localement avancée ou de métastases ganglionnaires, il est nécessaire de passer à la méthode ouverte.
Des données publiées récemment concernant l’utilisation de la technique MIVAT sur des carcinomes papillaires à faible risque montrent que les taux de survie et de récidive sont similaires à ceux obtenus par la thyroïdectomie traditionnelle. Mais, il s’agit d’une technique présentant une grande courbe d’apprentissage et qui exige une équipe chirurgicale expérimentée.